Confinement : jeunes installés et remplaçants ont été durement touchés financièrement

On sait que l’activité de la médecine de ville s’est effondrée aux mois de mars/avril, au pic de l’épidémie de SARS-CoV-2, en France.

Lors d’une session virtuelle organisée au Congrès Médecine Générale France (CMGF) début juillet, une enquête portant plus spécifiquement sur les remplaçants et les jeunes installés en médecine générale a montré que la situation était particulièrement préoccupante dans ces populations.

« Cette étude met en exergue le fort impact économique de cette pandémie, surtout sur les remplaçants et les jeunes installés », a expliqué Caroline Monteragioni (Nancy), membre du bureau de l’intersyndical ReAGJIR(Regroupement Autonome des Jeunes généralistes Installés et Remplaçants).

En pratique, un questionnaire diffusé entre le 24 avril et le 9 mai sur les réseaux sociaux et par mailing a permis de recueillir 1364 réponses exploitables (985 remplaçants et 382 jeunes installés). Les résultats ont été analysés par 4 membres du bureau de l’intersyndical ReAGJIR.

Contrats annulés chez 68 % des remplaçants

Chez les remplaçants qui ont répondu à l’enquête, dont 88 % exerçaient en libéral, une baisse de plus de 50 % de leur chiffre d’affaires a été rapportée par 43% d’entre eux en mars et 64 % en avril. Sur les 948 médecins remplaçants concernés, 68 % ont vu au moins un de leurs contrats de remplacement annulé, alors que pour plus de la moitié les contrats étaient déjà signés.

« Dans les verbatims recueillis en fin de questionnaire, les remplaçants ont souligné qu’ils pouvaient comprendre certaines annulations de contrats tout en soulignant qu’elles étaient parfois abusives, sans réelles conséquences ou recours possible contre les médecins installés », a rapporté Caroline Monteragioni.

Concernant les aides disponibles, 15,3 % ont fait appel au Fonds de Solidarité (FDS) mis en place par le gouvernement en mars et 10,5 % en avril. Entre 40 et 50 % ne pensaient pas y avoir droit et 15 % n’en connaissaient pas l’existence. Moins de 4 % des remplaçants thésés (522) ont demandé une aide à la CARMF, près de 70 % ignoraient cette possibilité. Moins de 5 % ont demandé de l’aide auprès de leur banque soit par ignorance, soit parce qu’ils avaient reçu d’autres aides ou parce qu’ils ne souhaitaient pas s’endetter. Moins de 5 % ont sollicité leur Prévoyance, sachant que 15 % (137) n’en avaient pas.

« Les remplaçants se sont plaints de la difficulté d’accès à certaines aides du fait d’un mode de calcul inadapté pour eux », a expliqué l’intervenante qui a souligné que d’autres ont fait part de leur culpabilité de demander une aide par rapport à d’autres professions plus précaires.

Baisse de CA de plus de 50 % en avril pour la moitié des jeunes installés

Parmi les 382 jeunes médecins généralistes qui ont répondu au questionnaire, 158 étaient installés depuis moins d’un an, 92 étaient dans leur deuxième année d’installation et 132 étaient installés depuis 2 à 5 ans. Ils exerçaient majoritairement en libéral et avaient 44 % de charges.

Chez eux aussi, une baisse du chiffre d’affaires de plus de 50 % a été retrouvée: chez 26 % d’entre eux en mars et 50 % en avril. Cette baisse était d’autant plus marquée chez les installés depuis moins d’un an.

Comme pour les médecins remplaçants, peu nombreux sont ceux qui ont demandé des aides. Le Fonds de solidarité de l’Etat a été demandé par 19 % d’entre eux en mars et 9,7 % en avril. Parmi ceux qui n’avaient pas sollicité cette aide, 30 % en mars et 50 % en avril ne pensaient pas y avoir droit, environ 10 % ne connaissaient pas cette aide et 10 % ont déclaré ne pas en avoir besoin. À noter qu’initialement les critères d’obtention du FDS ne permettait pas aux jeunes installés d’y prétendre.

Aussi, les installés ont peu sollicité la CARMF (<4 %) avec encore une fois 60 % qui ignoraient qu’ils pouvaient le faire. Près de 10 % ont sollicité leur banque majoritairement pour des reports d’échéances de prêts professionnels. Peu ont contracté un BPI, prêt garanti par l’Etat. Concernant leur Prévoyance, 5 % l’ont sollicité et certains ont essuyé un refus (3 % n’en avaient pas).

L’analyse des verbatims recueillis a mis en évidence l’apport bienvenu de la ROSP et du forfait médecin traitant pendant cette période. Les jeunes installés ont aussi fait savoir qu’ils auraient préféré une annulation de leurs cotisations plutôt qu’un report, mais au moment du questionnaire, l’aide de la CARMF et l’aide compensatoire de la CNAM n’avaient pas encore été évoquées. Enfin, ils ont souligné l’intérêt de la téléconsultation et de la prise en charge à 100 % par l’Assurance Maladie, ce qui a été plus complexe pour les remplaçants qui devaient avoir un contrat pour pratiquer la téléconsultation.

Les activités associées n’ont pas permis de compenser les pertes de CA

En tout, 52,4 % des répondants ont participé à des activités annexes de renfort pendant cette période de mars-avril. Majoritairement, il s’agissait de gardes de permanence de soins ambulatoires (29,6 %), mais aussi de participations à un centre COVID ambulatoire (24,5 %). Onze pour cent des répondants ont cumulé au moins deux activités. Malgré ces activités annexes, 64 % n’ont pas compensé leur perte de CA.

Quel futur ?

En termes de trésorerie, en moyenne, les participants à l’étude ont indiqué avoir un à deux mois de chiffre d’affaires de trésorerie. Mais, 37,7 % des remplaçants avaient moins d’un mois de CA de trésorerie.

Concernant leur perception de l’avenir, « 67 % pensaient s’en sortir durant l’année, mais cela signifiait que près d’un tiers des répondants abordait l’avenir à court et moyen termes avec inquiétude », a souligné Caroline Monteragioni qui a indiqué que les plus inquiets étaient les femmes enceintes au premier et deuxième trimestres, les remplaçants qui craignaient que les médecins installés annulent leurs vacances d’été et les plus jeunes installés.

[1] Congrès CMGF 2020 virtuel. Caroline Monteragioni.COVID-19 : Quel impact financier pour les remplaçants et jeunes installés. 2-3 juillet 2020

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