Pénurie de médicaments : faut-il s’inquiéter des hypnotiques avec des étiquettes en mandarin ?

Medscape – Des produits d’anesthésie en provenance de Chine avec des étiquettes incompréhensibles pour ceux qui ne lisent pas le mandarin… Angoissante réalité de certains blocs opératoires français.

Un état de fait dénoncé par plusieurs tweets du collectif Inter-Blocs qui s’inquiète pour la sécurité des patients et la responsabilité des soignants à injecter des produits dont ils sont incapables de lire la notice.

Le midazolam, un hypnotique sédatif, et le propofol, un agent anesthésique hypnotique, sont les deux spécialités concernées. Le collectif infirmier fournit des preuves en photo : 25 août, deux photos – une boîte de midazolam et une autre de propofol – avec une notice en chinois. 28 août, une photo d’une boîte de midazolam en turc cette fois.

« Depuis le mois de juin, nous avons des remontées du terrain, notamment des infirmiers de bloc. Cela concerne le secteur public comme le secteur privé, et principalement le Sud de la France, l’Occitanie et le Grand Est. » indique Grégory Chakir. Le porte-parole du collectif Inter-Blocs craint que l’importation de ces produits, moins chers pense-t-il, soit en train d’être pérennisée. Via Twitter, il interpelle le ministre de la Santé pour y voir plus clair. 

Grégory Chakir rappelle qu’il existe toujours des tensions sur les masques, les gants et les surblouses.

Pénurie liée à la première vague de Covid-19 

« On a voulu se réapprovisionner très vite en cas de deuxième vague de Covid-19 et une partie des médicaments avait des étiquettes en chinois non-traduites. Des collègues ont reçu aussi des médicaments turcs » témoigne le Dr Dominique Savary (urgentiste, réanimateur, CHU d’Angers), qui tient un blog sur le site de Medscape édition française.

Lors du pic de la pandémie de Covid-19, les hôpitaux ont en effet dû faire face à des pénuries de médicaments, en premier lieu des anesthésiants et des hypnotiques utilisés dans les services de réanimation qui accueillaient alors les malades atteints de Covid-19. Les fabricants ont été sollicités en même temps par tous les pays européens. Un afflux de demandes auquel ils n’ont pas pu répondre. « Tout ceci a abouti à la nécessité de se tourner vers d’autres sources d’approvisionnement » rappelle le Pr Eric Maury (réanimateur médical, Hôpital Saint-Antoine, Paris), président de la Société de réanimation de langue française (SRLF). Dans son service, du propofol provenant du Japon avec notice en japonais a été temporairement utilisé.

Pendant la crise sanitaire, et jusqu’à la mi-juillet, la SRLF a participé à des réunions fréquentes, quasi-hebdomadaires, avec la Direction générale de la Santé (DGS). D’après Eric Maury, si lors de ces réunions la décision de procéder à des commandes en Chine avait bien été prise, le problème des étiquettes et des notices avait été ensuite abordé avec l’arrivée des premiers lots et une solution avait été proposée.

« Les lots arrivés de Chine avec des étiquettes et des notices non-traduites auraient dû être ré-étiquettés, comme le ministère de la Santé s’était engagé à le faire au début de l’été quand le problème a été identifié. Peut-être qu’il y a eu des ratés et certains lots non-traduits sont encore en circulation », explique le Pr Maury qui assure qu’aujourd’hui les services de réanimation disposent de stocks pour six semaines. Pour lui, le recours à des sources alternatives d’approvisionnement était lié à l’urgence et n’a pas vocation à durer. « Pour moi, c’est même du passé », ajoute-t-il.

Sécurité et responsabilité

La question de la sécurité et de la responsabilité vis-à-vis de produits à la notice en langue étrangère se pose. Elle a été soulevée par le collectif Inter-Blocs. Grégory Chakir rappelle que l’infirmier ou le médecin qui injecte un produit est responsable de son geste. Une responsabilité difficile à prendre lorsqu’on est incapable de lire les instructions d’utilisation.

« Cela reste les mêmes dosages et les mêmes règles de dilution, le même aspect aussi. Et de mon expérience, il y avait toujours le nom générique en écriture latine sur les produits en cause » rassure Dominique Savary qui souligne toutefois qu’il faut rester très concentré et précautionneux lors de leur utilisation.

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