La veille bibliographique du CNCF spéciale ACC 2024

En direct d’Atlanta, le CNCF et ses experts vous commente les études présentées lors de l’ACC 2024 qui a eu lieu du 6 au 8 avril 2024

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Etude EMPACT-MI

Gliflozines en post-infarctus : pas de changement des indications

Synthèse

Au terme d’un suivi de 18 mois, l’empagliflozine à 10 mg/j prescrite dans les 14 premiers jours suivant un syndrome coronaire aigu (SCA) chez des patients à risque d’insuffisance cardiaque (IC) ne diminue pas un critère associant mortalité totale et hospitalisation pour IC mais reste efficace pour diminuer le risque d’IC.

Méthode

Essai thérapeutique contrôlé conduit en double aveugle contre placebo chez 6 522 patients (32 % de diabétiques ; FEVG moyenne : 41I%) sans antécédent d’IC mais à haut risque d’IC, défini pas la survenue de signes ou symptômes d’IC ou d’une FEVG inférieure à 45I% pendant l’hospitalisation pour SCA, ou ayant au moins un facteur de risque d’IC (âge au moins égal à 65 ans, FEVG inférieure à 35I%, DFG inférieur à 60, élévation du NT-proBNP…).

Analyse

Stricto sensu, l’étude est négative, probablement parce que le critère primaire comportait la mortalité totale (incidence : 3,7 %/an ; HRI=I0,96 ; IC95 = 0,78-1,19), mais la tolérance du traitement est bonne et il réduit le risque d’IC (HR = 0,77 ; IC95 = 0,60-0,98) et, finalement, le résultat conforte l’indication des gliflozines dès lors qu’il y a insuffisance cardiaque ou diabète et risque CV élevé.

Référence : Butler J et al. Empagliflozin after Acute Myocardial Infarction NEJM April 6, 2024 DOI: 10.1056/NEJMoa2314051

Etude AEGIS

Le “bon cholestérol” : fin d’un mythe, épisode 3

Synthèse

Le CSL 112, une apoA-1 administrée en injection intraveineuse, pour lequel il est prouvé qu’il augmente l’efflux de cholestérol (en faisant un HDL fonctionnel), ne diminue pas à 90 jours de suivi, le risque d’événements CV majeurs chez des patients ayant un antécédent de syndrome coronaire aigu [SCA]).

Méthode

Essai thérapeutique contrôlé, mené en double aveugle contre placebo chez 18 219 patients (LDL moyen : 0,84Ig/l ; HDL moyen : 0,39Ig/l).

Analyse

Histoire en trois épisodes : les études épidémiologiques ont montré un aspect de courbe en J entre HDL et risque CV (le risque est élevé en cas de HDL bas ou de HDL élevé), les essais d’intervention n’ont pas démontré que l’augmentation pharmacologique du HDL est bénéfique et potentiellement parce que le HDL n’était pas fonctionnel et l’étude AEGIS, montre qu’un HDL fonctionnel n’améliore pas le pronostic CV (même si les auteurs ont conduit plusieurs analyses en sous-groupes suggérant un effet bénéfique chez les patients gardant un LDL élevé).

Référence : Gibson CM et al. Apolipoprotein A1 Infusions and Cardiovascular Outcomes after Acute Myocardial Infarction. NEJM April 6, 2024. DOI: 10.1056/NEJMoa2400969

Etude RELIEVE HF

Apport d’un dispositif de shunt inter-atrial dansIl’insuffisance cardiaque

Synthèse

La mise en place percutanée d’un dispositif créant un shunt interatrial (SIA) n’améliore pas le pronostic de patients ayant une insuffisance cardiaque (IC) mais l’étude suggère un bénéfice en cas de FEVG inférieure à 40 % (RR = 0,55 ; IC95 = 0,42-0,73) et un effet délétère en cas de FEVG supérieure à 40 % (RR = 1,68 ; IC95 = 1,29-2,19 ; p < 0,0001 pour l’interaction).

Méthode

Essai thérapeutique contrôlé, conduit contre procédure simulée chez 605 patients ayant une IC symptomatique, quelle que soit leur FEVG (avec une stratification préalable selon qu’elle est inférieure ou supérieure à 40 %) évaluant divers critères selon la méthode du win ratio (décès toutes causes, transplantation cardiaque ou mise en place d’une assistance VG, toutes hospitalisations pour IC, toute aggravation ambulatoire de l’IC et questionnaire de qualité de vie à 12 mois).

Analyse

Alors que des essais non contrôlés ont suggéré qu’un SIA diminue les pressions de remplissage, améliorent la structure et la fonction cardiaques et diminue les symptômes, notamment dans l’IC à FEVG préservée, cette étude avec groupe contrôle ne démontre aucun effet bénéfique mais suggère un effet paradoxal du traitement selon la valeur de la FEVG : l’effet paraît si ample en cas de FEVG altérée que des essais deviennent nécessaires dans cette situation clinique.

Référence : BStone GW. A Double-blind, Randomized Placebo-Procedure-Controlled Trial of an Interatrial Shunt In Patients with HFrEF and HFpEF: Principal Results from the RELIEVE-HF Trial. LBCT 1, Samedi 6 avril 2024, ACC 2024

Etude REDUCE AMI

Peut-on ne pas prescrire de bêtabloquants après un infarctus du myocarde ?

Synthèse

La prescription d’un bêtabloquant (BB) dans les suites immédiates d’un infarctus du myocarde (IDM) sans altération de la fonction cardiaque ne diminue pas le risque de décès ou de récidive d’IDM au terme d’un suivi de 3,5Ians.

Méthode

Essai thérapeutique contrôlé, conduit en ouvert à partir d’un registre, chez 5I020 patients randomisés en moyenne 2 jours après leur admission hospitalière pour un IDM et ayant une FEVG au moins égale à 50I%.

Analyse

L’amélioration du pronostic de l’IDM survenue depuis l’évaluation des BB en post-IDM pourrait rendre leur apport négligeable, ce qu’indique cette étude, mais elle à plusieurs limites ne permettant pas de conclusion certaine : conduite en ouvert, utilisation de doses relativement faibles de bêtabloquant (100Img de métoprolol ou 5Img de bisoprolol), manque de puissance car moins d’événements survenus (2,3I% par an) que statistiquement prévu (3I% par an envisagé)… justifiant d’attendre les résultats des nombreux autres essais en cours (ABYSS, ABBREVIATE, BETAMI, DANBLOCK REBOOT, SMART DECISION) avant de ne plus prescrire de bêtabloquant en post-IDM.

Référence : Yndigegn T et al. Beta-Blockers after Myocardial Infarction and Preserved Ejection Fraction. NEJM April 7, 2024. doi: https://doi.org/10.1056/NEJMoa2401479.

Etude CRESCENT

L’orthèse d’avancée mandibulaire aussi efficace que l’appareillage pour diminuer la pression artérielle dans le syndrome d’apnées du sommeil

Synthèse

Chez des patients hypertendus traités ayant un syndrome d’apnées obstructives du sommeil (SAOS) modéré à sévère, une orthèse d’avancée mandibulaire (OAM) n’est pas inférieure à un appareillage par CPAP (continuous positive airway pressure) pour réduire la pression artérielle systolique (PAS) à 6 mois.

Méthode

Essai randomisé et contrôlé conduit en ouvert chez 220 patients ayant un SAOS et une HTA traitée avec une PAS des 24 heures en moyenne à 125ImmHg chez lesquels la PAS moyenne des 24 heures à 6 mois diminue de 2,5ImmHg sous OAM et n’est pas modifiée sous CPAP, validant l’hypothèse initiale de non-infériorité.

Analyse

Selon le protocole, l’OAM n’est pas inférieure à la CPAP pour diminuer la PAS des 24 heures, mais elle ne lui est pas supérieure, de même en matière d’amélioration du sommeil, mais son niveau d’observance est supérieur : malgré ses limites (étude ouverte, PAS de base peu élevée…) cette étude ouvre la voie à l’utilisation potentielle de l’OAM en première intention par rapport à la CPAP dans certaines situations cliniques.

Référence : Ou Y-H et al.  Mandibular Advancement vs CPAP for Blood Pressure Reduction in Patients with Obstructive Sleep Apnea, Journal of the American College of Cardiology (2024), doi: https://doi.org/10.1016/j.jacc.2024.03.359.

Etude KARDIA-2

Vers un traitement efficace plusieurs mois dans l’hypertension artérielle

Synthèse

Le zilebesiran, un interférant ARN injectable en sous-cutané, agissant en amont du système rénine angiotensine, diminue significativement la pression artérielle systolique (PAS) à 3 mois après une seule injection, chez des patients traités soit par un diurétique, soit par un antagoniste calcique (AC) soit par un antagoniste des récepteurs à l’angiotensine 2 (ARA 2).

Méthode

Chez des hypertendus (PAS moyenne des 24 heures à 142ImmHg) répartis en 3 groupes définis par le traitement prescrit en ouvert (diurétique, AC ou ARA 2), essai thérapeutique contrôlé conduit en double aveugle contre placebo, ayant constaté une diminution moyenne de la PAS des 24 heures à 3 mois, de 12,1ImmHg (pI<I0,001) chez les patients sous diurétiques, de 9,7ImmHg chez ceux sous AC (pI<I0,001) et de 4ImmHg chez ceux sous ARAI2 (pI=I0,036).

Analyse

Un traitement de longue durée d’action dans l’HTA peut permettre de pallier les difficultés d’observance ou d’additionner ses effets à ceux d’autres traitements dans l’HTA non contrôlée, mais l’effet du zilebesiran est moindre en cas de coprescription à un bloqueur du système rénine-angiotensine et sa place devra aussi être évaluée face à une option au moins équivalente, la dénervation rénale.

Référence : Desai AS et al. Zilebesiran in Combination with a Standard-of-care Antihypertensive in Patients with Inadequately Controlled Hypertension: Primary Results from the Phase 2 KARDIA-2 Study. LBCT ACC24, 7 avril 2024.

Etude PREVENT

Faut-il dilater les lésions coronaires nonIsignificatives mais vulnérables ?

Synthèse

L’angioplastie de lésions coronaires non significatives mais définies comme vulnérables par l’imagerie endocoronaire est associée à moins d’événements cardiovasculaires majeurs à 2Ians par rapport à une prise en charge par un traitement médical optimal seul.

Méthode

Essai thérapeutique contrôlé, conduit en ouvert chez 1606 patients ayant des lésions coronaires non significatives (FFR > 0,80) et des critères d’imagerie endocoronaire en faveur d’une vulnérabilité de la lésion, randomisés pour avoir un traitement médical optimal et soit une angioplastie coronaire, soit pas d’angioplastie et constatant à 2 ans une différence absolue de 3,0I% (IC95I=I1,8-4,4 ; p = 0,0003 ; HRI=I0,11 ; IC95I=I0,03-0,36) entre les groupes dans l’incidence des événements coronaires majeurs, en faveur de l’angioplastie.

Analyse

Cette étude pourrait ouvrir la boîte de Pandore en incitant à dilater des lésions coronaires non significatives, mais elle a des limites (conduite en ouvert, 3 événements « seulement » dans le groupe intervention, vs 27 dans le groupe contrôle et avec 50 perdus de vue, modalités d’imagerie endocoronaire pour définir le caractère vulnérable des plaques laissées à l’appréciation des opérateurs, utilisation d’antiagrégants plaquettaires dans le groupe dilaté…) qui en limitent la portée et justifient impérativement une confirmation par les 4 autres essais en cours évaluant cette hypothèse.

Référence : Park SJ et al. Preventive percutaneous coronary intervention versus optimal medical therapy alone for the treatment of vulnerable atherosclerotic coronary plaques (PREVENT) : a multicentre, open-label, randomised controlled trial. Lancet 8 april 2034, DOI.org/10.1016/S0140-6736(24)00413-6

Etude ORBITA-COSMIC

Validation des effets cliniques du réducteur du sinus coronaire dans l’angor réfractaire

Synthèse

Le réducteur du sinus coronaire chez des patients ayant une maladie coronaire stable symptomatique, sans autre possibilité de traitement, n’améliore pas la perfusion myocardique transmurale, améliore la perfusion sous-endocardique, réduit la fréquence des crises d’angor et améliore la qualité de vie.

Méthode

Essai thérapeutique contrôlé, conduit contre procédure simulée chez 61 patients ayant un angor réfractaire et ayant tous une imagerie de perfusion cardiaque par IRM et un suivi quotidien des symptômes d’angor par une application téléphonique dédiée avec évaluation de deux critères principaux à 6 mois : l’ischémie myocardique en IRM et la charge angoreuse.

Analyse

En démontrant avec une méthode adaptée, le bénéfice de cette technique, bénéfice certes uniquement symptomatique – mais n’est-ce pas le cas pour les traitements de l’angor qui est parfois un symptôme angoissant ? –, cette étude valide l’apport d’une nouvelle option thérapeutique pour l’angor réfractaire.

Référence : Foley MJ et al. Coronary sinus reducer for the treatment of refractory angina (ORBITA-COSMIC): a randomiser, placebo-controlled trial. Lancet April 8, 2024; DOI.org/10.1016/50140-6736(24)00256-3

Etude TARGET BP I

La dénervation rénale par alcoolisation est efficace sur les chiffres tensionnels

Synthèse

La dénervation rénale par alcoolisation sous adventitielle réduit significativement la pression artérielle systolique (PAS) des 24 heures en moyenne de 3,2ImmHg à 3Imois chez des patients ayant une hypertension artérielle (HTA) traitée.

Méthode

Essai thérapeutique contrôlé, conduit en aveugle contre procédure simulée chez 301Ipatients ayant une HTA traitée avec une PAS des 24 heures en moyenne à 146/87ImmHg à l’inclusion.

Analyse

L’effet antihypertenseur de la technique est faible (- 10 mmHg vs – 6,8 mmHg dans le groupe contrôle, sans différence dans l’évolution des traitements pris en parallèle entre les groupes lors des 3 mois de suivi) mais avec environ 50I% de mauvaise observance (dont près de 10I% de non observance) des traitements dans chaque groupe tant à l’inclusion qu’à 3 mois !!!

Référence : Kandzari DE et al. Effect of alcohol-mediated renal denervation on blood pressure in the presence of antihypertensive medications: primary results from the TARGET BP I randomized clinical trial. Circulation 2024; DOI.org/10.1161/CIRCULATIONAHA.124.069291

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