Spécial télémédecine

Juin 2023

Editorial

L’été arrive et sera l’occasion de pratiquer la télémédecine dans l’intérêt de nos patients. Le Pr Jourdain, très impliqué dans ce domaine, nous présente une belle synthèse pour ce numéro spécial, 16e de la série de cardionews. Le Pr Lellouche nous définit les applications pratiques en rythmologie.
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LA PAROLE À

Patrick Jourdain - Le Kremlin-Bicêtre

Pourquoi le cardiologue libéral doit s’impliquer dans la télésurveillance de l’insuffisance cardiaque chronique ?

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LES MOTS MÉDICAUX

Le préfixe d’origine grec “télé” exprime l’éloignement et donne le sens au mot qui l’accompagne… par Jacques Gauthier

Les articles de nos experts

Place de la télésurveillance du patient insuffisant cardiaque : nouvelles donnes en 2023 !

L’insuffisance cardiaque est une pathologie lourde et fréquente qui touche 1 million de patients en France peut-être 3 millions, responsable de 70 000 morts annuels. Première cause d’hospitalisation après 65 ans avec plus de 200 000 hospitalisations par an, elle génère un coût annuel d’environ 1 milliard d’euros par an dont 65 % liés à l’hospitalisation. 

La première des complications est la réadmission pour rechute d’insuffisance cardiaque soit 34 % dans les trois mois selon les données nationales. Le CAQES nous soumet à un objectif qualitatif de réduction de ce taux de réadmission. Il est de notoriété publique que les patients admis pour insuffisance cardiaque présentent des symptômes annonciateurs dans les jours qui précèdent leur hospitalisation. 

Les recommandations de l’insuffisance cardiaque de l’ESC 2021 encouragent la titration rapide des traitements et la surveillance par des visites précoces y compris en utilisant du télé monitoring. La place de la télésurveillance médicale (TLSM) dans l’insuffisance cardiaque était appuyée par un certain nombre de données dont la métaanalyse de COCHRANE objectivant une réduction de mortalité de 20 % et une réduction de réadmission de 37 %. Malheureusement l’expérience française de OSICAT n’a pu retrouver les mêmes données. On retiendra tout au moins une diminution de 21 % d’une première ré hospitalisation. 

L’étude TIM H2 publiée dans le Lancet en 2018 retrouve une réduction du critère primaire d’hospitalisation et de mortalité de 20 %. 

Seules les études multiparamétriques ont démontré un bénéfice de la TLSM de l’insuffisance cardiaque en particulier en utilisant une association d’objets connectés avec éducation et algorithmes d’alertes. Autre étude intéressante l’expérience SCAD de l’équipe de Rémi Sabatier à Caen chiffrant une réduction des hospitalisations à un an de 13,5 % versus 27,8 % par rapport aux données appareillées de la SNDS. Dans notre expérience à l’hôpital Saint-Joseph sur des données non publiées, la réadmission à 3 mois après une poussée d’insuffisance cardiaque se situe à 15 % versus 34 % sur les données nationales. Ce taux chute à 8% de réadmission à 3 mois pour les patients suivis en télémédecine.

Le programme ETAPES depuis 2014 a permis le développement de la TLSM mais depuis le début de l’année, nous sommes dans l’attente des modalités de financement reportées au 1er juillet 2023. On retiendra que les patients éligibles sont des insuffisants cardiaques chroniques avec une hospitalisation au cours des 12 derniers mois ou des patients dont le statut résiduel est NYHA2 associé à une élévation des biomarqueurs (BNP supérieur à 100 pg ou une NT pro BNP supérieur à 1000).

La transmission des données nécessaires à la réalisation de la télésurveillance peut être suivie de manière manuelle ou de manière automatique (recommandée) à partir d’objets connectés. La valeur du poids devrait être quotidienne (balance connectée plutôt indispensable). L’accompagnement thérapeutique peut être réalisé par un des professionnels de l’équipe soit en présentiel soit en distanciel.

Il faut probablement des équipes spécialisées avec des paramédicaux comme les IPA et les infirmiers de protocole de coopération et surtout il faut intégrer l’outil dans un parcours de soins specialisés dans l’insuffisance cardiaque. 

Dans le programme ETAPES, la facturation couvrait à la fois un acte médical de télésurveillance (110 euros) et un acte d’accompagnement thérapeutique (60 euros) réalisés par un professionnel de santé et la couverture de la prestation par le fournisseur de la solution (300 euros). Nous sommes dans l’attente des nouvelles facturations pour début juillet mais probablement que l’acte médical couvrira la surveillance et l’accompagnement pour 165 euros. 

Une convention doit être réalisée entre l’opérateur et la structure ou le praticien libéral, pour une durée de six mois, avec une facturation mensuelle. Au total, la télésurveillance de l’insuffisance cardiaque réduit les hospitalisations pour insuffisance cardiaque et doit être intégrée dans un parcours de soins avec des acteurs soutenant le rôle du cardiologue.

Avec la crise Covid, nous avons assisté à une explosion des téléconsultations, avec heureusement peu de plaintes en rapport. Pour autant, il convient de bien définir les périmètres d’action et d’anticiper les risques particuliers. 

La première des choses est de mettre en garde le patient vis-à-vis des limites de la téléconsultation. 

Le bénéfice par rapport à un appel téléphonique imprévu est de nous permettre d’organiser un échange structuré, disposant du dossier complet sous les yeux. Le second avantage est de pouvoir tracer l’interrogatoire, les prescriptions ou les recommandations faites ainsi que la durée de la consultation. Même privé d’un examen clinique, l’échange vidéo permet un peu de voir la “tête” de son patient (percevoir sa respiration, son aisance à se déplacer).

Avec la progression des objet connectés, en plus des tensiomètres déjà assez utilisés dans la population, nous disposerons de plus en plus de paramètres (fréquence cardiaque, tension, saturation, tracés ECG). Le risque légal est probablement moindre avec un patient connu que lors d’une première téléconsultation, parce que nous avons une appréciation préalable de son examen, ses antécédents, explorations, ainsi que son profil psychologique.

Lors des téléconsultations, chacun doit se rappeler des limites de l’exercice dans l’élaboration d’un diagnostic et d’une prise en charge. Dès lors que l’on ressent une difficulté pour conclure ou appréhender correctement son patient, il faut savoir “convertir”, soit en proposant soi-même une consultation rapide, soit en réorientant vers un généraliste ou un service d’urgence. 

Dans le prolongement de la téléconsultation, il faut être particulièrement méfiant avec les échanges numériques (mails, SMS et autres messageries), qui ne remplissent pas les garanties requises des hébergeurs données santé (HDS). Ces moyens doivent être utilisés préférentiellement pour l’organisation des rendez-vous.

Il ne faut pas que ces échanges soient perçus par le patient comme un substitut de consultation, car le médecin ne peut pas se faire une idée juste sur quelques phrases, hors contexte. Les médecins ne pouvant pas assurer la relève régulière des messages, les patients pourraient être en attente d’une réponse dans des situations parfois urgentes. Comme pour les répondeurs téléphoniques, il faut dissuader les patients de vouloir laisser un message en cas d’urgence, et plutôt les orienter vers des structures d’urgence ou le Samu. 

Il en est de même avec les résultats obtenus par des objets connectés. En cas d’anomalie, il faut les inviter à prendre rendez-vous, plutôt que de les transmettre par messagerie. Le débat reste ouvert concernant la fiabilité et les conclusions que l’on peut tirer des objets connectés (montres…). 

La télémédecine et les nouveaux dispositifs nous invitent à prendre de nouvelles habitudes tout en révisant les anciennes ! 

Le champ des possibles

La prise en charge et les décisions thérapeutiques pour les patients en chirurgie vasculaire peuvent être complexes et multi factorielles. Celles-ci sont intrinsèquement liées à l’examen clinique mais aussi et surtout à l’analyse de l’imagerie médicale (artériographie, scanner…).

Explorer ces données fonctionnelles et morphologiques des vaisseaux constitue la base du diagnostic, des indications thérapeutiques tout comme les techniques de traitement et la surveillance évolutive des maladies. Dans ce cadre, les sollicitations d’avis de confrères sont nombreuses, d’autant plus pour ceux travaillant dans des établissements dépourvus de service chirurgie vasculaire par exemple.

Pour faciliter et sécuriser les démarches, pour les généralistes, les spécialistes, les internes qui auraient besoin d’un avis, d’une expertise, d’un diagnostic de la part d’un confrère, la téléexpertise s’avère ainsi indispensable. 

Aujourd’hui pratiquée quotidiennement via des canaux de communication divers et parfois peu sécurisés, la téléexpertise, pour être pleinement efficace demande aussi l’organisation des demandes d’avis et leur priorisation. C’est tout l’enjeu de plateformes de télémédecine dédiées, à même d’organiser les demandes entrantes et d’effectuer un suivi du traitement de celles-ci. La garantie d’apporter une indication bien posée dans le cadre d’une concertation pour un cas patient. 

En chirurgie vasculaire, la téléexpertise peut aussi être une téléexpertise de recours. Proposer une visioconférence immédiate au confrère pour un échange synchrone permettant une analyse approfondie directe et une optimisation du délai de réponse. Dans les dossiers complexes, le partage des images en temps réel est ainsi un atout majeur dans les prises de décisions thérapeutiques. Tout particulièrement dans le cadre de la chirurgie vasculaire, l’imagerie médicale est indispensable dans la réalisation du “sizing” préopératoire dans les procédures endovasculaires permettant le choix de la taille et du type d’endoprothèse aortique adaptée “sur mesure” au patient. 

Enfin, les patients atteints d’une maladie aortique telles que des dissections aortiques nécessitent un suivi médical tout au long de leur vie. Ce suivi s’effectuera en collaboration avec l’ensemble des professionnels de santé partie prenante dans l’analyse du traitement, des éventuelles complications liées à l’intervention. Ces concertations peuvent se faire aisément via un outil de télémédecine proposant la tenue de réunions de concertation pluridisciplinaire à distance via une visioconférence sécurisée. 

La télémédecine doit être appréhendée non comme une “sous médecine” mais comme une formidable opportunité d’outils, à même de fluidifier et améliorer nos pratiques quotidiennes, notamment en chirurgie vasculaire où la téléexpertise, la eRCP (réunion de concertation pluridisciplinaire) et le télésuivi ont une place primordiale dans la prise en charge des patients. 

Télésuivi en rythmologie

Le télésuivi en rythmologie qui s’intégre dans la télécardiologie correspond au suivi à distance des patients implantés avec des prothèses cardiaques : pacemaker (PM), défibrillateur (DAI) ou holter implantable. 

Le nombre de patients implantés avec ces prothèses augmente de manière constante et le télésuivi de ces patients permet d’améliorer leur prise en charge clinique. En effet, il est possible de diagnostiquer des arythmies ou des troubles de la conduction (pour les holters implantables) précocement et de proposer un traitement adapté de type anticoagulants, traitement antiarythmique ou implantation de PM ou DAI.

Il est aussi possible de diagnostiquer précocement un dysfonctionnement du boitier de la prothèse ou des sondes (fracture, rupture d’isolant, défaut de détection ou de stimulation) ou une indication à un changement de boitier puis de proposer un traitement adapté. Il faut noter qu’il n’est pas possible de modifier les réglages d’une prothèse à distance. 

Ce suivi nécessite une organisation importante dans les unités de rythmologie pour collecter l’ensemble des données des prothèses. En pratique, une information est donnée au patient au moment de son implantation ainsi qu’un boitier télétransmetteur, qu’il branche à son domicile.

Les données du boitier sont envoyées, via le télétransmetteur, très régulièrement (automatiquement ou par activation du patient) sur le site internet de la marque du boitier. Les données envoyées correspondent aux caractéristiques du boitier et des sondes ainsi qu’à la présence d’arythmie atriale et/ou ventriculaire avec les traitements reçus comme un choc électrique par le DAI.

En cas d’anomalies significatives, des alertes sont envoyées sur le site pour pouvoir les analyser au plus vite par le service de rythmologie. 

Cela représente un nombre important de données à traiter. Pour cela, une équipe d’IDE ou ARC dédiée au télésuivi est nécessaire. Cette équipe récupère les données “brutes” et fait un premier tri d’éventuelles alertes non significatives (taux élevé de fausses alertes sur des artéfacts par exemple, notamment pour les holters implantables).

Par la suite, quand les alertes sont significatives, les données sont analysées par un médecin rythmologue qui indiquera la conduite à tenir. Compte tenu de l’importance de la masse de données à analyser, des plateformes de recueil regroupant simultanément toutes les marques de prothèses sont disponibles pour aider à centraliser les informations.

Dans le futur, nous espérons un traitement de données automatique, notamment, peut-être, via le développement de l’intelligence artificielle, pour nous aider à traiter l’ensemble de ces données, qui sont appelées à croître de manière importante dans un avenir proche. 

Enfin, ces actes de télécardiologie sont remboursés depuis 2018 via un programme d’expérimentation nationale sur le télésuivi appelé le programme ETAPES : expérimentations de télémédecine pour l’amélioration des parcours en santé. 

Le remboursement est de 130 euros par an et par patient. Ce remboursement est réservé aux patients en ALD et ne concerne que les PM et DAI. Nous attendons dans les mois qui viennent une extension de ce remboursement à tous les patients en télésuivi, ce qui permettra de développer nos unités de télécardiologie. 

Le cardiologue et la télésanté 

La télémédecine est une forme de pratique médicale à distance définie dans la loi HPST de 2009 utilisant les techniques de la communication et de l’information. Elle comprend cinq actes :

  • la téléconsultation,
  • la téléexpertise,
  • la téléassistance,
  • la télésurveillance,
  • la régulation. 

Elle permet d’établir un diagnostic, d’assurer, pour un patient à risque, un suivi à visée préventive ou un suivi post-thérapeutique, de requérir un avis spécialisé, de préparer une décision thérapeutique, de prescrire des produits, de prescrire ou de réaliser des prestations ou des actes, ou d’effectuer une surveillance de l’état des patients. 

La télémédecine a connu un essor considérable au cours de la pandémie Covid-19 avec en première ligne la téléconsultation avec en moyenne 10 millions d’actes par an. Toutefois, la téléconsultation se heurte à un nombre limité de cas d’usages en cardiologie compte tenu de la nécessité fréquente de disposer d’un électrocardiogramme et d’une échographie cardiaque afin de guider la prise de décision. Dans le même temps la démographie des cardiologues est déclinante alors que le nombre de malades porteurs de maladies chroniques cardiovasculaires augmente tous les ans de 3,5 %. 

C’est pourquoi le Syndicat national des cardiologues (SNC) a lancé une expérimentation s’appuyant sur un dispositif de type article 51 introduit par la loi de financement de Sécurité sociale de 2018. 

L’ideé est de faciliter l’accès de la population française aux cardiologues en s’appuyant sur une nouvelle organisation des soins et sur l’utilisation de la télémédecine et l’expérimentation d’un nouvel acte innovant “la télécardiologie augmentée”. 

Les patients ciblés sont notamment ceux ayant besoin d’un tiers pour se déplacer ou les patients résidant en zone sous dotée. Le concept repose sur la constitution d’une équipe mobile paramédicale dirigée par des cardiologues : un professionnel de santé formé se déplace au domicile du patient pour recueillir toutes les données (ECG, Holter ECG, échographie cardiaque, polygraphie ventilatoire…) dont les cardiologues ont besoin pour prendre une décision et organiser le suivi du patient sur la durée, en respectant une logique de parcours. 

Le SNC entend ainsi démontrer la pertinence de la télémédecine inscrite dans une logique de coordination des soins et de délégation de tâches.

 Télécardiologie appliquée à l’échocardiographie

 La demande en exploration échocardiographique a littéralement explosé ces dernières années grâce à la miniaturisation des appareils qui a permis leur accessibilité démultipliée. 

L’échographie dite de débrouillage ou échoscopie s’est vulgarisée à de nombreuses autres spécialités médicales d’autant que les coûts des appareils n’ont cessé de se réduire. Cependant, il n’en reste pas moins que l’obtention des images dynamiques et leurs interprétations restent deux facteurs limitant majeurs dans ce que serait la valeur ajoutée de cet examen au quotidien. Or, les progrès déployés ces dernières années en matière de réseaux numériques à très haut débit et d’intelligence artificielle appliquée permettent enfin de contourner ces limites rédhibitoires. Concernant tout d’abord la phase d’acquisition des images, le téléguidage peut s’effectuer de façon directe avec un dispositif robotisé qui permet de piloter un bras équipé d’une sonde à distance du médecin (visuels ci-dessous). 

Le téléguidage peut également être indirect avec un opérateur non médecin qui manipule la sonde d’échographie en mode synchrone sous le contrôle visuel du médecin (télémentoring). Ce dernier peut alors interpréter en temps réel les images obtenues. Plus récemment, certaines sociétés d’intelligence artificielle (IA) se sont spécialisées dans l’aide automatisée à l’obtention des coupes de référence. Ici, l’opérateur suit les instructions à l’écran, guidé par l’IA, dans le placement et l’orientation de la sonde sur le thorax du patient jusqu’à détecter et enregistrer automatiquement la vue échographique correctement obtenue. Avec cette assistance, la formation de l’opérateur s’effectue en moins de 5 jours. Enfin, dans un avenir proche, les sondes seront remplacées par des patchs ultrasonores souples qui seront apposés sur la peau et permettront d’obtenir automatiquement toutes les vues souhaitées à partir de l’emplacement du capteur. 

Finalement, une fois les images obtenues, la phase interprétative devient extrêmement aisée avec au minimum une analyse synchrone ou asynchrone des examens à distance par un médecin qualifié à travers des plateformes d’échange de données médicales sécurisées (Rofim, GE, Philips, Tricify…). Mais, aujourd’hui, les analyses sont partiellement ou totalement automatisées avec les calculs automatiques de fraction d’éjection, des surfaces des structures cardiaques, du contourage des spectres Doppler en s’appliquant sur des boucles ou images fixes individuelles. Et demain, c’est la globalité d’un examen échocardiographique qui sera analysée d’une traite en donnant immédiatement la synthèse de l’examen, l’intelligence artificielle (IA) décrivant chaque élément et diagnostiquant les principales pathologies. 

Real-Time Remote Tele-Mentored Echocardiography: A Systematic Review. Alexis Salerno 1, Diane Kuhn 1, Rayan El Sibai 1, Andrea R Levine 2, Michael T McCurdy 1 2Medicina 2020 Dec 2;56(12):668. doi: 10.3390/medicina56120668. https://docs.google.com/document/d/10m9YgFetn_AynviEH0a5W7dCiRk1cuphWJTuAOfdO_o/edit?usp=sharing

 Parmi les modalités de télémédecine en cardiologie, le télésuivi des prothèses rythmiques (stimulateurs cardiaques, défibrillateurs, voire holters implantables) est très certainement celui qui présente la plus large adoption en termes d’effectifs de patients (plus de 130 000), mais aussi de preuves cliniques de supériorité. 

Initiée par Biotronik en 2002 en France sur les patients porteurs de défibrillateurs, ce suivi s’est largement diffusé pour cette population, notamment alors en raison de la survenue de défaillance de sondes, problème rare mais détectable à distance. 

Depuis vingt ans, les preuves de supériorité de ce télésuivi sont nombreuses, et le télésuivi de patient (terme préférable à celui de télésurveillance qui est le terme administratif) a été étudié à travers de nombreuses études de cohortes ou randomisées de l’industrie, avec des gains en termes de réduction de la mortalité totale et des hospitalisations, mais aussi réduction des coûts de prise en charge (à travers l’étude française ECOST initiée par l’équipe du CHU de Lille sur des données CNAM). 

Depuis 2015, le télésuivi des patients est recommandé par la société américaine de rythmologie (HRS) avec le plus haut niveau de preuves et de recommandations sur l’ensemble des patients porteurs de prothèses thérapeutiques (hors ILR donc). Si l’équipement de télésuivi a été pris en charge en France pour les solutions techniques fournies par les fabricants (du fait du coup notamment du matériel de transmission) par le biais d’un forfait unique 

LPPR à l’implantation, il a fallu attendre le programme ETAPES pour voir l’acte de télésuivi médical reconnu. En effet depuis novembre 2017 en France, le télésuivi des prothèses rythmiques thérapeutiques est pris en charge pour les cardiologues spécialistes de ces dispositifs, à hauteur de 130 euros en sus du suivi conventionnel. Le passage en droit commun de la télésurveillance au 1er juillet cette année devrait consacrer ce montant et péréniser cette activité (publication imminente de l’arrêté d’inscription). Rappelons que les dernières recommandations sur la prise en charge des patients (ESC 2021) permettent d’espacer le suivi présentiel technique de l’implant jusqu’à tous les deux ans pour les patients équipés de stimulateurs simples et double chambres (vs un an pour les resynchronisateurs). 

Cependant, malgré une très bonne couverture de télésuivi chez les patients porteurs de défibrillateurs, une minorité des patients porteurs de stimulateurs est télésuivie aujourd’hui. Une des raisins en est que si les prothèses des 5 principaux fabricants sont compatibles depuis de nombreuses années, il est complexe de proposer ce suivi à distance de l’implantation. 

Par ailleurs, un télésuivi de qualité repose sur une véritable organisation pour les centres de rythmologie, qui suivent plusieurs milliers de patients, fréquemment en ayant recours à une ou plusieurs IDE formées et agissant sous supervision médicale ou dans le cadre d’un protocole de coordination. De ce fait, des plateformes universelles de télésuivi ont été développées afin d’optimiser le télésuivi de l’ensemble des patients en regroupant toutes les données et en facilitant le traitement des alertes, parfois grâce à des algorithmes d’intelligence artificielle. 

En France une plateforme tierce lancée en 2017, Implicity, est ainsi utilisée par les équipes médicales pour 40 % des patients télésuivis à ce jour. Une étude rétrospective sur données SNDS publiée le 21 mai 2023 par les Prs Marijon et Varma (HEGP, Cleveland Clinic) suggère que ce type de plateforme tierce a le potentiel d’améliorer non seulement le suivi mais aussi de réduire la mortalité et les hospitalisations des patients par rapport à un suivi via les plateformes des fabricants.

Lors du même congrès, les nouvelles recommandations ESC/HRS sur le télésuivi ont mis l’accent sur le télésuivi continu basé sur les alertes et l’importance d’une organisation efficace pour délivrer tout le bénéfice de cette incroyable technologie de suivi de nos patients, qui espérons le sera rapidement proposée à tous les patients concernés, tout en voyant les données de suivi s’ouvrir à l’avenir au plus grand nombre pour le soin courant mais aussi pour le potentiel de génération de connaissance qu’elles recèlent.

Les articles publiés sont sous la seule responsabilité de leurs auteurs. Les informations sur l’état actuel de la recherche et les données présentées sont susceptibles de ne pas être validées par la commission d’AMM.

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