Hôtels hospitaliers : le bilan à 3 ans est mitigé

Medscape – Depuis 2017, une quarantaine d’établissements de santé teste la mise en place de séjours, pour leurs patients, dans des hôtels hospitaliers, des établissements à mi-chemin entre l’hôpital et l’hôtel. Un récent rapport au Parlement en tire un bilan mitigé de cette première expérimentation de trois ans, qui a débuté en 2017 [1]. Si les établissements hospitaliers non médicalisés ont bien bénéficié aux patients éloignés géographiquement dans le cadre de prise en charge courte /ambulatoire et peu sévère, le modèle économique semble en limiter le développement. Ces séjours doivent aussi être promus pour mieux les faire connaitre.

Expérimentation

C’est à Olivier Véran, alors député PS, que l’on doit l’adoption, dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale 2015, du principe de la mise en place d’hôtels hospitaliers. Ces hôtels ont un rôle de transition entre le séjour hospitalier et le domicile, s’inscrivant notamment dans le contexte du « virage ambulatoire ». Lorsqu’il fit voter l’amendement qui a permis la mise en place de cette expérimentation, des hôtels hospitaliers existaient d’ores et déjà à Paris, mais aussi à Toulouse, et hors de France. Et les essais avaient été concluants. D’où l’idée d’élargir le concept.

Le concept d’hébergement temporaire non médicalisé pour patients

Il a vocation à l’amélioration de la qualité et à la pertinence des prises en charge hospitalières, le tout dans un cadre sécurisé :

  • Réduire le séjour des patients au strict temps utile et nécessaire dans la structure en fonction des besoins en soins des patients ;
  • Permettre aux ressources hospitalières de se concentrer sur les soins par une meilleure différenciation entre soins et hébergement ;
  • Augmenter le confort du patient, éviter des trajets fatigants ou des navettes fréquentes induisant, par là même, une diminution du recours aux transports sanitaires.

Il doit aussi permettre aux établissements de santé de développer des marges de manœuvre capacitaires et d’optimiser les prises en charge :

  • Générer de nouvelles marges de manœuvre pour les établissements permettant de libérer des capacités d’hospitalisation complète et/ou d’optimiser l’organisation ou le dimensionnement des unités de soins ;
  • Réduire les durées moyennes de séjours (DMS) et les coûts associés aux soins.

Au final, « ces hébergements non médicalisés pourraient constituer une nouvelle modalité de prise en charge à l’hospitalisation complète» peut-on lire dans le rapport.

Seuls 28 des 41 établissements retenus ont mené l’expérimentation

Un rapport chargé d’évaluer cette expérimentation vient d’être remis au Parlement. Les auteurs y rappellent que ces hôtels hospitaliers ont pour vocation de « réduire la durée de séjour des patients au strict temps utile, permettre aux ressources hospitalières de se concentrer sur les soins, augmenter le confort du patient ». Le recours aux hôtels hospitaliers devait aussi permettre aux hôpitaux de réduire de manière significative les durées moyennes de séjour (DMS). Au final, 41 établissements ont été retenus pour mener cette expérimentation, mais au final, seulement 28 de ces établissements ont participé à l’évaluation de cette expérimentation, soit un taux de 68%. « Sur les 13 établissements n’ayant pas transmis de rapport, 2 établissements ont indiqué avoir abandonné l’expérimentation, 4 n’ont pas débuté l’expérimentation à la date d’évaluation, et aucune précision n’a été apporté par les 7 autres ».

Le recours aux hôtels hospitaliers devait aussi permettre aux hôpitaux de réduire de manière significative les durées moyennes de séjour.

Patients pris en charge en ambulatoire, premiers concernés

Afin de mesurer l’atteinte des objectifs des hôtels hospitaliers, les établissements expérimentateurs ont retenu plusieurs indicateurs : satisfaction des patients, évolution de la DMS, taux d’ambulatoire, taux de réhospitalisation, taux de recours aux urgences, transports évités…

Quel type de patients ont été visés ? Principalement ceux pris en charge pour des séjours ambulatoires. En termes de nuitées, l’objectif initial restait ambitieux : il était question d’assurer 900 nuitées en moyenne en 2017 et 2000 nuitées en 2018. Pour assurer la prise en charge de ces séjours, 12 sites ont fait appel à des hôtels commerciaux, 10 à des structures de type associatif, et 5 établissements ont développé des hôtels hospitaliers en interne. Pour ce qui est de la sélection des patients expérimentateurs, les établissements de santé se sont appuyés sur les recommandations de la Haute autorité de Santé (HAS) : autonomie complète du patient sur le plan moteur et cognitif, absence de besoin de surveillance continue médicale ou paramédicale. « Les expérimentateurs ont également privilégié les patients résidant à plus de 50 km de l’établissement », ajoute les auteurs du rapport.

Taux de réalisation des objectifs de 30%

En termes de bilan d’activité, les rapporteurs notent que « le nombre de séjours et de nuitées d’hébergements est en deçà des objectifs initialement fixés par les expérimentateurs. Le taux de réalisation des objectifs peut globalement être évalué autour de 30% ». À noter que l’activité, sur les deux premières années, reste tirée par l’institut Gustave Roussy (94), l’hôpital Foch (92), la fondation Idlys (19), le CRLCC Léon Bérard à Lyon (69), et le CHU de Toulouse (31). Ces 5 établissements ont drainé 75% de l’activité. Quels ont été les freins au déploiement de cette expérimentation ? « La faible visibilité du dispositif auprès des professionnels de santé, le modèle économique jugé peu incitatif, la mise en place de l’ensemble des aspects logistiques, l’absence d’interopérabilité des systèmes d’information en interne ». Au total, ce sont 2 367 patients qui ont été pris en charge en 2017, et 55 592 en 2018. « En matière d’indication, l’éloignement géographique est le motif le plus avancé pour justifier le recours à la prestation ». Ces séjours hospitaliers ont été prescrits, pour plus de 80%, dans le cadre de prise en charge ambulatoire en 2017, et pour plus de 60% en 2018. Quoi qu’il en soit, les séjours de 1 à 3 jours, ainsi que ceux de 4 à 7 jours sont montés en puissance entre 2017 et 2018.

Patients très satisfaits

Côté patients, le taux de satisfaction est particulièrement élevé, relèvent les rapporteurs. « Cette satisfaction, de l’ordre de 90 à 95% pour une majorité des expérimentateurs, se retrouve sur l’ensemble des dimensions de l’expérimentation : l’accueil du patient, l’information et l’accompagnement du patient, la prise en charge de la douleur, et de l’anxiété, la qualité et le confort, la qualité des prestations de restauration ». Pour ce qui est de la sécurité des patients, une majorité d’établissements déclarent une absence d’événements indésirables graves, de recours aux services d’urgence de l’établissement pendant les séjours en structure d’hébergement non médicalisé ou de réhospitalisation non programmée dans les 24 heures suivant l’hébergement. Mais les impacts organisationnels restent peu évalués à ce jour. « Rares sont les établissements qui ont pu évaluer les impacts de l’expérimentation en matière de durées moyennes de séjour », par exemple. Seul le CLCC Oscar Lambret a constaté de premiers effets en matière de hausse de l’activité ambulatoire et de planification de l’activité du bloc opératoire. L’impact sur les transports sanitaires est plus palpable : 246 transports évités pour la clinique Pasteur à Toulouse, 1212 transports évités pour le CH de Paimpol, 1484 transports évités pour l’institut Gustave Roussy, sur l’année 2018. Pour le CHU de Tours, la mise en place des hôtels hospitaliers constituent un facteur d’attractivité.

Équilibre financier fragile

Financièrement parlant, 54% des établissements ont pris en charge en totalité le coût de ces hébergements, 32% ont demandé une contribution aux patients, dans la limite du forfait journalier hospitalier, et 14% ont mis en place une tarification hybride, composée principalement d’appui de l’établissement, de subvention de la CPAM, de financements associatifs.

Pour lancer l’expérimentation, les établissements ont pu bénéficier d’une dotation des agences régionales de santé (ARS) de 25 000 euros. Cette dotation n’a néanmoins pas permis de couvrir la totalité des dépenses induites par les séjours dans les hôtels hospitaliers des établissements ayant eu le plus recours aux hôtels hospitaliers, tels le CRLCC Léon Bérard ou encore Gustave Roussy. Aussi, pour développer cette expérimentation, les auteurs du rapport recommandent entre autres choses d’ « identifier un modèle économique à même d’accélérer le développement des hébergements non médicalisés, qui pourrait être testé au cours de l’année 2020 ». Les rapporteurs souhaitent aussi qu’une méthode d’évaluation des impacts organisationnels soit instaurée, que les équipes projets soient outillés pour mener à bien ces séjours dans les hôtels hospitaliers. La sécurité des soins doit aussi faire l’objet d’une attention vigilante, et ses séjours doivent aussi être promus, pour mieux les faire connaitre.

[1] Rapport au Parlement relatif à l’expérimentation des hébergements temporaires non médicalisés pour patients, Juin 2020.

Actualités Medscape © 2020  – 15 septembre 2020

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