TAVI : l’aspirine seule davantage bénéfique en prévention antithrombotique

Medscape – Après un remplacement de valve aortique par voie percutanée (TAVI), un traitement préventif par aspirine seule est associé à un risque hémorragique plus faible comparativement à la bithérapie aspirine/clopidogrel, sans majoration du risque thromboembolique, selon les résultats de l’essai POPular TAVI, présentés lors du congrès virtuel de l’ESC2020[1]. Les résultats ont été publiés simultanément dans le NEJM[2].

« Après un TAVI, les cliniciens peuvent réduire facilement et sans risque le taux de saignements en excluant le clopidogrel », a déclaré le Dr Jorn Brouwer (St Antonius Hospital, Nieuwegein, Pays-Bas), principal auteur de l’étude, lors de sa présentation en ligne. « Les résultats montrent que l’aspirine seule est à utiliser chez les patients ne prenant pas de traitement par anticoagulant oral et n’ayant pas bénéficié récemment de la pose d’un stent. »

« Il s’agit d’un changement majeur dans la pratique clinique puisque les directives actuelles recommandent 3 à 6 mois de double anti-agrégation plaquettaire (DAPT) en post-TAVI. Après ces résultats, nous nous attendons à une modification des recommandations », a souligné auprès de theheart.org | Medscape Cardiology le Dr Jurriën Ten Berg (St Antonius Hospital, Nieuwegein, Pays-Bas), qui a dirigé l’étude.

Egalement interrogé par nos confrères, le Dr Michael Reardson (Houston Methodist DeBakey Heart & Vascuar Institute, Houston, Etats-Unis) estime, pour sa part, qu’il faudra probablement attendre d’avoir confirmation des résultats dans de plus larges études, puisque celle-ci, bien que randomisée, est limitée à une cohorte de près de 700 patients. « Il est toutefois rassurant de voir qu’une monothérapie par aspirine apparait appropriée chez des patients présentant un risque hémorragique plus élevé ».

Un traitement préventif remis en question 

Le choix du traitement anti-thrombotique après un TAVI est sujet à débat. La stratégie de la DAPT pendant 3 à 6 mois, suivie d’une monothérapie antiplaquettaire, a été décidée en faisant référence au bénéfice apporté par cette stratégie chez les patients traités par  angioplastie. Or, « les patients TAVI sont plus âgés, la moyenne d’âge étant de 80 ans, et ils ont davantage de comorbidités. Le risque de saignement est donc plus important », a expliqué le Dr Ten Berg.

De plus, les cathéters employés pour poser une valve TAVI sont plus larges que ceux  utilisés pour insérer un stent, obligeant à passer systématiquement par la voie fémorale. « Ce sont là deux facteurs qui augmentent le risque hémorragique », a ajouté le cardiologue.

L’essai POPular TAVI a été mené sur deux cohortes distinctes. La première, baptisée cohorte B, concernait des patients en post-TAVI déjà sous anticoagulant pour une autre indication. Publiés en début d’année, les résultats de cette cohorte ont montré que l’ajout de clopidogrel n’apporte aucun bénéfice supplémentaire et se traduit même par une hausse des saignements (34% à un an, contre 22% sans clopidogrel) [3].

La cohorte A regroupait des patients en post-TAVI ne prenant pas d’anticoagulant. Les résultats, qui viennent d’être présentés, sont sensiblement les mêmes. Dans cette cohorte, 690 patients âgés en moyenne de 80 ans ont été inclus après la pose de la bioprothèse. Ils ont été randomisés pour recevoir de l’aspirine seule (80 à 100 mg par jour) ou combinée au clopidogrel (75 mg par jour) pendant trois mois. L’aspirine seule a ensuite été administrée à tous les patients.

Moins d’hémorragies graves

Le critère principal d’évaluation a inclus tout événement hémorragique à un an, les saignements mineurs, comme les saignements majeurs, menaçant le pronostic vital ou invalidants, ainsi que les saignements non liés à l’intervention. La plupart des hémorragies survenues sur le site de la ponction n’étaient pas considérés comme associés à la procédure.

Les résultats révèlent un taux d’événements hémorragiques à un an de 15,1% chez les  patients recevant de l’aspirine seule, contre 26,6% dans le groupe de patients prenant la double anti-agrégation plaquettaire (RR=0.57; IC à 95%, [0.42-0.77]). Le taux de saignements non associés à l’intervention sont respectivement de 15,1% et 24,9% (RR=0.61; IC à 95%, [0.44-0.83]).

Les hémorragies graves, menaçant le pronostic vital ou invalidantes étaient deux fois plus élevées à un an dans le groupe sous bithérapie, comparativement au groupe sous aspirine seule, avec une incidence respectivement de 10,8% et 5,1% (RR=0.48, IC à 95%, [0.27 – 0.83]).

Deux critères secondaires d’évaluation ont été considérés. Le premier est un critère composite regroupant les décès d’origine cardiovasculaire, les hémorragies non liées à la procédure, les accidents vasculaires cérébraux (AVC), ainsi que les infarctus du myocarde. A un an, il s’observe chez 23% des patients sous aspirine seule, contre 31,1% chez ceux sous bithérapie (RR=0,74, IC à 95%, [0,57-0,95]).

Le deuxième critère secondaire regroupe les événements thromboemboliques graves (décès d’origine cardiovasculaire, AVC ischémiques et infarctus du myocarde). Il n’apparait pas de différence entre les groupes sur ce critère, puisqu’il s’observe respectivement chez 9,7% et 9,9% des patients à un an.

Même bénéfice chez les plus jeunes?

« Administrée seule, l’aspirine est associée à une baisse significative du taux de saignement, avec une diminution de près de 10% en valeur absolue, en comparaison avec le traitement combinant aspirine et clopidogrel », a souligné le Dr Brouwer. « Dans le même temps, le traitement aspirine seule n’induit pas plus d’événements thromboembolique ».

L’essai n’était initialement pas destiné à examiner le risque d’événement thromboembolique, mais aucun signe ne laisse supposer une hausse du risque avec l’aspirine seule, a précisé le Dr Ten Berg. « S’il y avait eu un impact sur ce critère, on s’en serait aperçus, étant donné que les taux événements sont assez élevés ».

« C’est une très bonne étude. Elle apporte un éclairage et une simplification dans le traitement par TAVI, qui devrait se traduire par une modification des recommandations. Ces résultats auront un impact majeur en clinique avec ces patients âgés », a commenté le Dr Anna Sonia Petronio (Azienda Ospedaliero-Univeritaria Pisana, Pisa, Italie), en fin de session. Cette stratégie pourrait concerner près de 80% des patients après TAVI.  

Selon elle, d’autres données sont toutefois nécessaires pour vérifier si cette stratégie simplifiée bénéficie également aux patients plus jeunes, qui seront amenés à être plus souvent traités par TAVI, mais aussi dans des procédures plus complexes, par exemple après un remplacement de bioprothèse par TAVI (valve-in-valve) ou après un TAVI sur valve bicuspide.

L’essai POPular TAVI a été financé par des fonds publics provenant de la Netherlands Organization for Health Research and Development.

  1. Brouwer J, POPULAR TAVI – Aspirin with or without clopidogrel after transcatheter aortic valve implantation, congrès virtuel ESC2020, 30 août 2020.
  2. Brouwer J, Nijenhuis V, Delewi R, Aspirin with or without clopidogrel after transcatheter aortic valve implantation, NEJM, publication en ligne du 30 août 2020.
  3. Nijenhuis VJ, Brouwer J, Delewi R, Anticoagulation with or without clopidogrel after transcatheter aortic-valve implantation, NEJM, 30 avril 2020; 382(18):1696-1707.

L’article a été publié initialement sur Medscape.com sous le titre Aspirin alone preferred antithrombotic strategy after TAVI. Traduit et adapté par Vincent Richeux.

Actualités Medscape © 2020 WebMD, LLC – 3 septembre 2020

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